Le 30 mars dernier, Axialys a assisté à une conférence organisée par le Center for Customer Management à l’Université Paris-Dauphine sur un thème ô combien d’actualité : quelles sont les attentes relationnelles des clients en 2017 ?
Le Center for Customer Management est un groupe de recherche international logé dans le laboratoire Dauphine Recherche en Management (DRM). Les thèmes de recherche sont multiples : acquisition de clients, intelligence client, amélioration de l’expérience client, programmes de fidélité, management de communautés de clients, dématérialisation de la relation…
Menée d’une main de maître par Pierre Volle, Professeur de marketing & customer management au sein de l’université Paris Dauphine, la conférence a réuni autour de la table des experts de la relation client : Eric Dadian, président de l’Association Française du Marketing, Stéphane Hugon, sociologue et directeur Associé d’Eranos et Isabelle Musnik, rédactrice en chef du magazine Influencia.
Dans un contexte où l’information circule à vitesse grand V, où le consommateur est de plus en plus souvent acteur et co-créateur, où le citoyen s’exprime sur des réseaux sociaux et vit dans l’hyper-connection, on est à même de se poser la question de savoir comment une marque met en place une stratégie de relation client, en prenant en considération les attentes des consommateurs ?
Plus spécifiquement, la conférence du Center for Customer Management s’oriente autour de trois problématiques :
- Quelles sont les attentes relationnelles les plus critiques
- Comment l’entreprise peut identifier et prioriser les attentes relationnelles de leurs clients ?
- Quelles sont les modalités à privilégier pour répondre aux attentes relationnelles ?
Les attentes relationnelles des clients les plus critiques
Les attentes du consommateur ont largement évolué ces dernières décennies. En plus d’être nouvelles, elles sont également plus spécifiques, plus exigeantes. Les technologies que nous avons tous les jours à notre disposition ont aiguisé nos besoins.
Tour d’horizon sur les attentes relationnelles que le Center for Customer Management identifie comme critiques :
- Considération, respect et reconnaissance : le client est unique et insiste pour être considéré comme tel. On est passé d’un contexte de mass-market, où les consommateurs étaient identifiés uniquement comme une masse à potentiel d’achat, à un contexte où le client est devenu une entité unique, volatile et aux exigences plus pointues.
- Rapidité, réactivité et immédiateté : devant la pluralité des offres et des canaux de distribution, le temps est un élément clé pris en compte dans la décision d’achat. La logistique de livraison devient par exemple stratégique pour toute entreprise.
- Praticité, simplicité et fluidité : les clients ont besoin de transparence ! Les offres doivent être simplifiées, et construites avec plus de lisibilité. La relation client, encore aujourd’hui décriée comme trop complexe par les consommateurs a besoin d’être fluidifiée.
- Lien social solidarité, entre-aide : avec un contexte sociétal qui a aujourd’hui du mal à créer du lien social, la marque pousse à être vecteur de solidarité. On pense par exemple à la licorne française, BlaBlaCar, dont le business model est uniquement basé sur la valeur du partage. Des applications comme Runtastic ou Fitbit permettent également de mobiliser des communautés autour d’intérêts communs.
- Respect de la vie privée, voire anonymat : un des éléments les plus critiques des attentes relationnelles des clients, mais aussi l’un des plus contradictoires. Les marques doivent aujourd’hui relever le défi de la personnalisation tout en garantissant un respect maximal des données individuelles.
- Relations moins commerciales, plus généreuses : aucune marque aujourd’hui ne revendique la vente d’un produit pour le produit. Il s’agit là de dépasser le produit, la solution en elle-même et de vendre une réponse à un besoin précis d’un consommateur. En achetant une paire de baskets Nike, on achète l’écosystème autour du produit : on intègre une communauté de sportifs regroupés sur Nike+, on accepte le challenge du dépassement de soi, on adhère aux valeurs de la marque.
- Personnalisation, individualisation : le client est unique insistait Thierry Spencer dans les 10 tendances de la relation client pour 2017 (https://blog.axialys.com/les-10-tendances-de-la-relation-client-en-2017) . Aucune marque ne peut se permettre de passer à côté de la personnalisation, vecteur notamment de performance financière.
- Accessibilité et disponibilité : avec un temps d’attention qui diminue d’année en année, la disponibilité est une variable que l’on doit prendre en considération dans toute stratégie client. L’attente, notamment, est souvent synonyme d’indisponibilité et véhicule alors une image de marque dégradée : qui n’a jamais râlé en restant sur une file d’attente téléphonique pendant de longues minutes ?
- Nouveauté, surprise, enchantement : les marques ne doivent cesser d’innover pour séduire, conquérir et fidéliser leurs clients. Intégrer le client dès la conception du produit est aujourd’hui un élément considérable de satisfaction. La marque Michel & Augustin l’a, par exemple, bien compris et n’hésite pas à mobiliser sa communauté avant tout lancement de produit.
- Expression de soi et de construction identitaire : la marque cherche aujourd’hui à mobiliser une communauté autour de valeurs communes et partagées. Le groupe français CAMIF a par exemple lancé en 2015 la Conso’Localisation qui permet de déterminer le nombre de kilomètres parcourus par chaque composant du produit vendu : cela permet de donner du sens à un achat local.
Face à ces attentes relationnelles complexes, on est en mesure de se questionner sur la manière dont les entreprises agissent ? C’est d’ailleurs le deuxième thème abordé par les intervenants.
La façon dont les entreprises doivent identifier et prioriser les attentes relationnelles
Les fonctions liées à la relation client au sein des entreprises sont très récentes, et sont le fruit de près de vingt années de combat des professionnels de la relation client. Aujourd’hui, il est quasi-impensable d’imaginer une organisation dénuée de direction de la relation client. Ce qui est également intéressant est la position de ces professionnels dans l’entreprise. Une stratégie de relation client efficace ne peut exister sans l’appui et la considération totale du top management. La direction de la relation client a du sens et doit ainsi avoir une certaine visibilité au sein de l’organisation. C’est cela qui va permettre de mettre en place les outils nécessaires à la détection, l’identification et la priorisation des attentes relationnelles.
Eric Dadian illustre ce propos en prenant l’exemple de Coca-Cola. Il y a plusieurs années de cela, Coca-Cola décide de créer une direction client et la place sous la hiérarchie directe de la direction générale. Cette direction va mettre en place un hub de la relation client au sein de l’entreprise, une véritable “tour de contrôle” de tout ce qui se dit sur Coca-Cola et ses produits. Il s’agit d’une équipe composée de data scientist, d’analystes… qui sont chargés de tracker et d’analyser tout ce qui se dit sur le web et notamment sur les réseaux sociaux 24h/24. Les verbatims sont identifiés, analysés, consolidés et remontés automatiquement pour prévenir d’éventuels “bad buzz”, dûs à la puissance du bouche-à-oreille, qui pourraient endommager la notoriété de la marque. La direction de la relation client connaît alors tout ce qui se dit et peut anticiper les réponses aux questions des consommateurs.
Une autre méthode éprouvée pour détecter quelles sont les attentes relationnelles des clients consiste à permettre aux consommateurs de co-créer les nouveaux produits. En restant dans l’exemple de Coca-Cola, le dernier né de la gamme, le Coca Life, est le fruit d’un processus de co-création. Bien que, comme dit plus haut, faire intervenir le client dans le processus de développement du produit est bénéfique, il ne faut pas moins faire attention à ce que cette volonté soit partagée par tous dans l’entreprise, du marketing à la direction générale, notamment.
Un exemple très intéressant cité par Eric Dadian est celui de la CAMIF, qui a mis en place la co-création avec les clients. Cela permet notamment au groupe français d’aller beaucoup plus vite dans les développements innovants. Le groupe propose également une expérience d’achat innovante qui consiste à mettre en relation un internaute intéressé par un produit et un de ses voisins qui possède ce produit afin d’aller voir, toucher et éventuellement essayer le produit chez ce voisin. Allant encore plus loin, ce sont les collaborateurs qui ont imaginé et construit leurs nouveaux bureaux.
Or, il est fréquent qu’en entreprise, les stratégies de marque soit décorrélées des stratégies clients. En effet, la question de la relation client existe en amont de l’identité de marque : ce sont d’abord les clients qui parlent de la marque avant même que la marque parle d’elle-même. Les communautés de clients sont d’une telle force que la marque tente de s’y frayer un chemin et d’y trouver une place. C’est notamment toute la spécificité de la plateforme IBBU, qui propose à des passionnés de rejoindre une communauté de clients et de conseiller les prospects tout en étant rémunérés.
En mettant en exergue la relation entre satisfaction client et performance financière, la société de gestion Trusteam Finance place le client comme l’actif le plus important d’une entreprise. Trusteam Finance regroupe plusieurs fonds, dont le fameux ROC A (ROC pour Return On Customer) dont l’objectif affiché est d’investir au sein des organisations à plus fort taux de satisfaction client. Résultat, ce fonds a performé à 13,18 % /an sur 5 ans lorsque le fonds à approche patrimoniale classique a connu une performance plus mitigée à 3,07%/an sur 5 ans.
Dans la même dynamique, nous pouvons citer Photobox qui a intégré dans ses cours de bourse l’analyse de la satisfaction client.
Les modalités à privilégier pour répondre aux attentes relationnelles ?
La conférence va se terminer avec la question de savoir quels sont les leviers que l’entreprise doit privilégier si elle veut répondre aux attentes relationnelles de ses clients. Les intervenants identifient rapidement deux chantiers à mener à bien pour parvenir à cet objectif. Le premier est celui de la personnalisation qui implique la reconnaissance du client en tant qu’entité unique. En effet, il est difficile d’imaginer aujourd’hui qu’une entreprise puisse mener une campagne de masse, sans aucune segmentation affinée préalable. Stéphane Hugon cite l’exemple de LVMH qui allie réactivité et personnalisation en mettant un point d’honneur à répondre à tous les tweets en un claquement de doigt.
Le second chantier mis à l’honneur par les intervenants est celui de la co-création. Nous l’avons évoqué plus haut, avec des exemples marquants et totalement précurseurs comme ce que réalise La Camif. L’ère du co – collaborer, co-créer, co-produire – est un symbole de reconnaissance du client. Néanmoins, cela nécessite que l’entreprise soit convaincue et engagée avec sincérité. Les clients ne veulent plus être confrontés à un process inflexible. A titre d’exemple, on constate une diminution notoire des scripts rigides lus sans intelligence dans les centres de contacts. La conférence se conclut sur la question de la sincérité et de l’authenticité de la marque. En tant que consommateur, on attend désormais de la marque qu’elle engage toute son authenticité et qu’elle devienne un “opérateur de confiance”. Cela laisse désormais la porte ouverte à la question de la place de la technologie dans ces attentes relationnelles : et si l’intelligence artificielle était capable de transmettre des émotions, de créer du lien et ainsi de la valeur avec les clients tout en respectant le principe de personnalisation ?
Et vous comment gérez-vous votre relation avec vos clients ? Quels leviers utilisez-vous ?
Retrouvez plus d’informations sur la relation client sur le blog de Smart Tribune.